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Quel type d’ami êtes-vous?

Quel type d’ami êtes-vous?

Quand on ne va pas bien, on peut avoir envie d’en parler à ses proches, les personnes en qui on a confiance… cependant, parfois on est déçu d’avoir fait cette démarche, on se sent encore plus mal après en avoir parlé. On a non seulement l’impression de ne pas avoir été compris mais on se sent parfois rabaissé, pas à la hauteur… Pourtant, on sait que la personne en face nous aime et a envie de nous aider. Peut être que notre situation est insoluble ? Peut être que nous ne sommes pas à la hauteur des conseils de nos proches ? et si c’était plutôt que, malgré toute la bienveillance de notre entourage, ils n’avaient pas les clés pour nous aider de manière efficace ?

Des psychologues américains ne sont penchés sur cette question dans les années 50 et ont étudié les différents moyens de se comporter face à la souffrance des autres pour en déterminer les points positifs et négatifs. Ils ont ainsi identifié 5 attitudes naturelles que je vous propose de regarder ensemble.

Première attitude :

Imaginons que vous vous confiez à un ami : ça ne va pas fort car j’ai eu un accrochage en voiture ce matin.

Il pourrait vous répondre : il faut que tu fasses une déclaration à ton assurance.

Cela peut sembler un conseil judicieux. Cependant, cela a un coté aussi très violent : un problème = une solution et on passe à la suite. D’autant plus que cette solution peut répondre à une facette de votre problème mais pas forcément la plus importante : ainsi peut être que vous avez eu peur lors de cet accrochage et qu’au-delà des potentiels dégâts matériels de la voiture, c’est le plus difficile à gérer pour vous.

Cette attitude s’appelle la solution immédiate. C’est très naturel et cela part d’une bonne intention : mon ami a un problème, si je lui trouve une solution, il se sentira mieux. Cependant,  cela a aussi de nombreux biais :

  • Cette solution qui NOUS parait cohérente n’est peut être absolument pas adéquate aux problèmes de notre ami
  • Cet ami peut avoir l’impression que l’on veut se débarrasser de lui ou ne pas parler de ses problèmes.
  • Si au contraire, il trouve notre solution pertinente, cela peut créer une situation de dépendance et il pourrait vouloir venir nous voir pour avoir une solution à chacun de ses problèmes
  • Cela peut aussi entrainer un malentendu important si la solution que nous avons proposée ne convient finalement pas : il peut alors nous tenir comme responsable des conséquences : tu m’avais dit de faire ça, tu vois où ça m’a amené ??

Finalement avoir cette attitude face à quelqu’un en souffrance peut ne pas du tout être aidante pour lui et avoir un réel impact sur votre relation.

Deuxième attitude :

Imaginons à nouveau que vous vous confiez à un autre ami : ça ne va pas fort car j’ai eu un accrochage en voiture ce matin.

Celui-ci pourrait vous répondre : ben oui, en même temps conduire à Paris..quelle idée ! il vaut mieux prendre les transports en commun, tu le sauras la prochaine fois !

Ouch ! ça, c’est rude…rajoutons une petit couche de culpabilité histoire de se sentir encore plus mal…Finalement cet ami nous a imposé sa vision des choses, ses valeurs, ses règles personnelles en espérant que cela allait nous aider. Cependant, ce n’est pas vraiment le cas hein ?

Cette attitude s’appelle le jugement. Là encore, c’est très naturel : nous construisons tout au long de notre vie notre vision des choses et notre éducation, notre histoire, notre personnalité nous ont permis de nous fixer des règles, d’avoir des valeurs…elles sont tellement ancrées en nous qu’on n’a parfois du mal à imaginer que d’autres n’ont pas les mêmes… Mais de l’autre côté, c’est extrêmement douloureux de se sentir jugé et cela peut entrainer une relation complètement déséquilibrée car en imposant ses valeurs à l’autre, on lui passe aussi un autre message : moi je sais et pas toi ! Cette attitude est peut être la plus délicate à adopter dans une relation et serait à mon avis celle à éviter le plus dans la mesure du possible.

Troisième attitude :

Troisième ami, troisième essai : ça ne va pas fort car j’ai eu un accrochage en voiture ce matin.

Il vous répond alors : c’est parce que tu étais préoccupé par quelque chose  que tu as eu cet accident !

A oui, peut être… ou peut être pas du tout !!! D’où il sort cette explication ?? de son imagination… On appelle cette attitude l’interprétation. Finalement, notre ami a essayé de nous aider en essayant de trouver une explication à notre problème ce qui est sympa de sa part car on pourrait se dire que cela va nous aider mais en fait cette attitude a, elle aussi, de nombreux biais :

  • Cette explication qui lui parait cohérente ne l’est probablement pas (ou alors il a de la chance d’être tombé juste !) et cela peut nous mettre sur une fausse piste
  • Cela peut aussi être très violent : est ce qu’il pense nous connaitre mieux que nous pour oser nous dire cela ?
  • Si on lui fait confiance sur son interprétation, cela peut créer une situation de dépendance aussi : si, à chaque fois, que j’ai un problème, il sait pourquoi et bien je vais aller le voir pour qu’il m’explique !

Bref, la encore, cette attitude n’est pas la meilleure pour aider quelqu’un…et pourtant on l’utilise très souvent ! C’est très naturel en même temps car quand quelqu’un nous parle de quelque chose, cela peut nous faire penser à des choses que l’on a vécues qui pourraient ressembler de prêt ou de loin. On peut  alors avoir tendance à continuer l’histoire de notre ami  tout seul dans notre tête en y incorporant nos propres expériences.

Quatrième attitude :

On change encore d’ami : ça ne va pas fort car j’ai eu un accrochage en voiture ce matin.

Il vous répond alors : C’est pas grave, tu n’as pas l’air blessé, c’est le principal !

Ca parait pas mal… on se sent peut être un peu mieux. En même temps, c’est pas grave, c’est pas grave…si ma voiture est foutue et que je ne peux pas payer les réparations, j’ai le droit de penser que c’est grave même si je ne suis pas blessée!

Cette attitude s’appelle le soutien. On l’utilise aussi très très souvent ! Le soutien peut être vécu de manière très positive mais peut aussi être dévastateur car qui dit soutien dit souvent déni de la souffrance. Si l’on reprend cette expression « c’est pas grave » que l’on utilise tous, le message qu’on envoie à l’autre est clair : ton problème n’est pas important, tu n’as pas de raisons d’être en souffrance. Le soutien, c’est aussi toutes ses phrases un peu toute faite sensées remonter le moral : un de perdu, 10 de retrouvés ! Le temps arrange tous les problèmes (allez dire cela à quelqu’un souffrant d’une maladie incurable…). Cela part d’une attention louable de remonter le moral, de faire relativiser et cela peut effectivement fonctionner..mais parfois aussi, la relativisation n’est pas possible, en tout cas à un moment donné et alors ce soutien n’est pas adapté pour accueillir la souffrance de l’autre.

De plus, être trop souvent dans le soutien avec quelqu’un peut aussi entrainer une relation de dépendance : on peut tellement apprécier d’être consolée qu’on va avoir tendance à  se plaindre souvent pour recevoir ce soutien.

Finalement, si l’on souhaite soutenir quelqu’un, il faudrait être attentif à ne pas être dans le déni de sa souffrance (et faire disparaitre de son vocabulaire le « c’est pas grave » !!)

Cinquième attitude :

Dernière chance pour nos amis : ça ne va pas fort car j’ai eu un accrochage en voiture ce matin.

On vous répond alors : est ce que ta voiture est abimée ?

A ben quand même ! Enfin un ami qui s’intéresse à ma situation ! En même temps, est ce que la voiture est vraiment le problème…et puis prise comme telle, cette question ne laisse pas beaucoup de place à l’expression…

On appelle cette attitude l’investigation. On pourrait la définir par le fait de poser une série de questions fermées (dont la réponse ne peut être que oui, non ou un fait précis). Un des problèmes de cette attitude est de diriger la conversation dans une direction précise qui n’est pas forcément la plus importante pour la personne qui ne va pas bien.  De plus, les questions fermées successives peuvent entrainer une certaine oppression, une impression de subir un interrogatoire qui peut accentuer le mal être.

Bien entendu, poser des questions est légitime et peut être aussi très bien perçu par son interlocuteur. On privilégie alors les questions ouvertes (auxquelles on ne peut répondre qu’en développant notre réponse) et les plus larges possibles pour ne pas diriger l’entretien sur un point particulier qui nous paraitrait important mais qui peut être complètement anodin pour notre interlocuteur.

 

En résumé, ces 5 attitudes naturelles ont toutes des biais qui peuvent augmenter la souffrance de l’autre ou en tout cas ne pas lui permettre de se sentir mieux malgré tous les efforts bienveillants de son interlocuteur. Bien entendu, on peut considérer que le soutien (en faisant attention au déni !) ou les questions (ouvertes et non dirigées) sont des attitudes à privilégier mais elles ne sont pas pour autant complètement satisfaisante et en particulier pour les « écoutants » professionnels. Ainsi, Elias Porter qui le premier a formalisé ces différentes notions ne pouvaient pas en rester la : en effet, en temps que psychologue c’était difficile de se satisfaire d’une attitude qui pouvait entrainer plus de mal être chez ses patients ! Il a donc réfléchi à une 6eme attitude, qui n’est  pas naturelle mais qui permet d’avoir une communication sans biais pour l’interlocuteur : l’écoute compréhensive.

Cette attitude est celle que les professionnels de l’écoute utilise lors des séances de thérapie : cela participe au fait que l’on sent beaucoup plus écouté par son psy que par ses amis !

Je vous présenterai cette notion plus en détail dans un prochain article